A la fin des années 70, face à l’augmentation massive du chômage, Monsieur Raymond Barre, Premier Ministre de l’époque, en réponse à l’interpellation d’un journaliste, avait fait cette boutade, passée à la postérité « Les chômeurs, ils feraient mieux de créer des entreprises ».
Cette exhortation, qui avait choqué certains, à une époque où le chômage de masse n’était alors qu’à son commencement, est aujourd’hui pleinement d’actualité.
En effet, en 2007, plus de 30 ans après ce vœu de Monsieur Barre, force est de constater que le chômage de masse a depuis perduré en France et, parfois, la création d’entreprise est la seule issue du chômeur ou du salarié licencié.
Ainsi, passé 45 ans, les salariés en France sont souvent considérés comme « vieux », n’ayons pas peur des mots, dans nos entreprises où le taux d’activité des salariés de plus de 50 ans est l’un des plus faibles d’Europe.
Dès lors, on comprend pourquoi, de plus en plus, « les chômeurs » prennent au mot, la boutade de leur ancien Premier Ministre, en décidant de créer leur entreprise. Rappelons qu’il y a eu environ 322.000 créations d’entreprise en 2006 (233.000 créations pures, 39.000 reprises et 50.000 réactivations).
A cet égard, la première question qui se pose au chômeur créateur d’entreprise est souvent la suivante : peut-il cumuler les revenus tirés de la création de son entreprise avec le bénéfice des allocations chômage ?
Souvent le droit social français est accusé de rigidité, or, en l’occurrence, la loi française se révèle, très souple ; en effet, elle autorise, à certaines conditions, le salarié licencié, qui créé ou reprend une entreprise, à cumuler la rémunération découlant de son activité avec ses allocations chômage (1.) ou encore à percevoir une aide à la création d’entreprise, calculée en fonction des droits au chômage de l’intéressé (2.).
1. Maintien des allocations chômage lors de la création d’entreprise
. Principe
Un salarié licencié peut cumuler création ou reprise d’entreprise avec ses allocations chômage sous réserve que la rémunération mensuelle procurée par son activité n’excède pas 70 % de sa rémunération brute mensuelle précédant son licenciement (non cumulable avec l’aide à la création d’entreprise de l’Assedic). Cette création d’entreprise peut intervenir dès le début du préavis du salarié licencié.
La rémunération de l’intéressé s’entend des rémunérations soumises à cotisations sociales, à savoir, pour les entrepreneurs individuels, le bénéfice net déclaré aux organismes sociaux et pour les dirigeants de sociétés, leur rémunération (ceci exclut donc les dividendes).
D’une manière générale (hors création ou reprise d’entreprise), il faut rappeler qu’un salarié licencié peut cumuler une activité réduite salariée ou non avec ses allocations chômage sous réserve que :
- cette activité est inférieure à 110 heures par mois (limite non applicable aux non salariés) ;
- la rémunération procure à l’intéressé au plus 70 % de sa rémunération précédant son licenciement.
Il s’agit des activités en France ou à l’étranger déclarées, par les intéressés, chaque mois à l’Assedic sur
la Déclaration de Situation Mensuelle.
. Quel est le montant d’allocations perçu ? Chaque mois, l’Assedic calculera un certain nombre de jours non indemnisables en fonction des gains que l’intéressé a perçu chaque mois.
Pour les salariés de plus de 50 ans, ce nombre de jours non indemnisable est affecté d’un coefficient de 0,8. Cela signifie que si le créateur ou repreneur d’entreprise ne perçoit pas de revenu (ex gérant minoritaire ou majoritaire non rémunéré), il percevra alors intégralement ses allocations.
Les rémunérations prises en compte, par l’Assedic, sont celles déclarées au titre des assurances sociales (sont donc exclus les dividendes).
Si les rémunérations ne sont pas connues, elles seront évaluées forfaitairement par l’Assedic et une régularisation des rémunérations interviendra en fin d’année lorsque les rémunérations seront connues. A cet égard, ce montant est fixé forfaitairement, la première année à 18 fois la base mensuelle des prestations familiales en vigueur de l’année précédente (en 2007 cette base est de 374,12 €, soit 18x374,12 € = 6.734,16 €) et la deuxième année à 27 fois ce montant (soit 27x374,12 € = 10.101,24 €).
. Quelle durée ? Le cumul est admis dans la limite de 15 mois (Cette limite ne s’applique pas aux personnes de 50 ans et plus).
Les créateurs ou repreneurs d’entreprise continuent à percevoir intégralement les allocations chômage jusqu’au moment de leur inscription au Registre du Commerce et des Sociétés ou au répertoire des métiers. Ensuite, dès le début de l’activité, la règle de cumul s’applique pendant 15 mois (maximum).
Si le créateur cesse son activité, il pourra, le cas échéant, percevoir le reliquat d’allocations dans un délai de 3 ans à compter de son admission.
. Procédure
L’intéressé doit être inscrit comme demandeur d’emploi et être à la recherche effective et permanente d’un emploi ; il doit informer l’Anpe de toute activité exercée et reporter cette activité dans
la Déclaration de situation mensuelle à l’Assedic.
A cet égard, les démarches de création d’une entreprise sont considérées comme des actes positifs de recherche d’emploi.
. Exemple
Un salarié percevait une rémunération brute de 3.000 € avant son licenciement, soit un salaire journalier de référence de 100 €.
Il crée ou reprend une entreprise qui lui procure une rémunération de 1.500 €.
Il faut rappeler qu’il ne pourra cumuler les revenus d’activité tirés de la création d’entreprise avec ses allocations chômage, que si ce revenu est inférieur à 70 % de sa précédente rémunération, soit 2.100 €.
Ce cumul est possible pendant 15 mois (limite non applicable aux salariés de plus de 50 ans).
Chaque mois, l’assedic lui déduira 15 jours (1.500/100) d’allocations sur les 30 jours d’allocations journalières auxquelles il peut prétendre. Si l’intéressé a 50 ans, le nombre de jours non indemnisable est réduit à 15x0,8=12 jours.
2. L’aide à la création d’entreprise de l’assedic
. Qui peut en bénéficier ? Après un licenciement, un salarié, qui crée ou reprend une entreprise peut percevoir une aide à la création d’entreprise de l’assedic.
Cette aide n’est pas cumulable avec le régime ci-dessus de cumul des revenus d’activité de création ou de reprise d’entreprise avec les allocations chômage.
Cette aide n’est pas ouverte aux salariés, qui ont créé ou repris une entreprise avant la notification de leur licenciement.
. Quel est le montant de l’aide ? Le montant de cette aide est de la moitié des allocations chômage restant dues à la date de début d’activité de l’intéressé.
Le premier versement de la moitié de l’aide est effectué à la date de début d’activité et le solde est vrsé 6 mois après ce début d’activité.
. Procédure L’intéressé doit faire part de son projet de création ou de reprise à l’Anpe. Il doit aussi obtenir l’Aide aux Chômeurs Créateurs Repreneurs d’Entreprise ou ACCRE, qui est accordée par
la Direction Départementale du Travail et de l’Emploi. Pour les repreneurs d’entreprise, le projet doit être validé par un prescripteur conventionné par l’assedic.
. Arrêt d’activité En cas d’arrêt d’activité, l’intéressé est réinstallé dans les droits qu’il avait au moment de la création ou de la reprise d’activité, desquels sont déduits le montant du montant de l’aide perçue, à condition de se réinscrire comme demandeur d’emploi dans un délai de 3 ans suivant son admission augmenté de la durée des droits notifiés par l’assedic.
En conclusion, ce dispositif d’aide à la création ou à la reprise d’entreprise, par les chômeurs, tout en cumulant leurs allocations chômage ou une aide de l’assedic, doit être approuvé.
Il permet ainsi d’appliquer, à la lettre, le vœu prémonitoire de Raymond Barre formulé il y a trente ans.