1) Quel est le principe de cette réforme ?
La loi n°2008-789 du 20 août 2008 traduit une volonté politique de simplification du droit de la durée du travail.
A cet égard, le texte allège considérablement les dispositions légales (34 articles au lieu de 73), supprime les dispositions de 2005 sur le « temps choisi » au profit de mesures plus aisées à mettre en œuvre, et abroge les quatre dispositifs d’annualisation du temps de travail au profit d’un seul.
Cette réforme est destinée à favoriser la voix de la négociation d’entreprise pour fixer la durée du travail.
En effet, la loi du 20 août 2008 fait de l’accord collectif d’entreprise la norme organisatrice de la répartition du temps de travail des salariés. C’est seulement à défaut d’accord au sein de l’entreprise ou de l’établissement que la négociation interviendra au niveau de la branche d’activité.
La loi du 20 août 2008 a
également pour objectif de favoriser le recours aux heures supplémentaires.
Pour cela, elle réaffirme la possibilité de fixer le contingent d’heures supplémentaires par accord d’entreprise en supprimant le mécanisme du repos compensateur au profit d’un dispositif conventionnel, en aménageant le repos compensateur de remplacement, et en simplifiant l’usage des heures de travail au-delà du contingent.
2) Concerne-t-elle uniquement les cadres ?
Non.
La loi du 20 août 2008 ne concerne pas seulement les cadres.
En effet, si les dispositions sur les forfaits jours s’appliquent aux cadres, aux termes de la loi elles peuvent s’appliquer également aux « salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées » (« non cadres autonomes »).
A titre d’exemple, les autres dispositions de la loi, notamment sur les heures supplémentaires, sont aussi applicables à tous les salariés.
3) Qu'entend-on exactement par forfait jours ?
Une convention de forfait en jours sur l’année est une convention pouvant être conclue, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par accord collectif.
Cette convention permet ainsi de compter la durée du travail en jour et non pas en heures pour les salariés amenés à effectuer beaucoup d’heures supplémentaires. En effet, les salariés ayant conclu une convention de forfait en jour ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire (35 heures), et à la durée quotidienne maximale de travail (10 heures).
En revanche, les salariés sous convention de forfait bénéficient des dispositions légales sur les repos quotidiens (11 heures) et hebdomadaires (35 heures consécutives).
Cette convention fixe ainsi un nombre de jours de travail globalement pour une année entière. C’est seulement au-delà de ce nombre de jour que le salarié effectuera des heures supplémentaires.
Au terme de la loi du 20 août 2008 ce type de convention pourra être conclu par :
- les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’entreprise ;
- les salariés dont la durée de temps de travail ne peut être prédéterminée et qui dispose d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiés.
Désormais, l’accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, la convention ou l’accord de branche instaurant les conventions individuelles de forfait en jours fixera :
- la durée annuelle de travail dans la limite de 218 jours ;
- le nombre annuel maximal de jours travaillés.
L’employeur, devra organiser chaque année avec tout salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année, un entretien annuel individuel portant sur sa charge de travail.
Avec la loi du 20 août 2008 la durée annuelle de travail maximum d’un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année ne change pas et reste fixée à 218 jours.
Mais, le salarié qui le souhaite pourra, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire.
Dans ce cas, le nombre de jours travaillés dans l’année ne pourra pas excéder le nombre maximal fixé par l’accord collectif.
A défaut d’accord collectif le nombre maximum de jours travaillés ne pourra excéder 235 jours.
4) Quelle sera la durée hebdomadaire maximale d'heures de travail ?
Avec la loi du 20 août 2008, la durée légale hebdomadaire de travail reste 35 heures.
Cependant le recours aux heures supplémentaires est simplifié.
En effet, avant la loi du 20 août 2008, la réalisation d’heures supplémentaires était possible, sans autorisation de l’inspecteur du travail (il devait seulement être informé du recours aux heures supplémentaires), mais à l’intérieur d’un contingent annuel d’heures supplémentaires fixé par accord de branche étendu ou d’entreprise.
Au-delà de ce contingent, l’utilisation des heures supplémentaires était soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, après avis des représentants du personnel.
Avec la loi du 20 août 2008, le contingent sera fixé par convention ou accord d’entreprise (ou à défaut par accord de branche). Mais l’inspecteur du travail ne sera plus informé du recours aux heures supplémentaires dans le cadre du contingent et ne sera même plus appelé à autoriser les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent.
5) Jusqu'à combien de jours les employés pourront-ils travailler dans l'année ?
Pour les forfaits jours, jusqu’à présent la loi fixait un maximum de 218 jours par an. Mais avec la réforme chaque entreprise pourra fixer son propre plafond, par accord.
En l’absence de plafond fixé par accord la loi imposant un plafond de 235 jours, il est possible de penser que ce plafond devrait devenir la limite que pourront se fixer les employeurs.
6) Comment cela se passera pour les RTT ?
Les salariés au forfait ne perdront pas nécessairement leurs RTT. En effet, les accords préexistants restent en vigueur car la loi ne leur fixe pas d’échéance de validité.
Ainsi, pour modifier le nombre de jours travaillés un employeur devra dénoncer l’accord existant, puis le renégocier avec les syndicats.
Cependant, en cas d’accord d’entreprise redéfinissant le temps de travail, ce dernier sera applicable à tous et pourrait donc engendrer une perte des RTT.
De plus, au-delà des 218 jours, la loi du 20 août 2008 impose que les jours travaillés soient rémunérés « au moins 10% de plus ».
7) Comment cela se passera pour les jours fériés ?
Pour les salariés en forfait jours, il est possible qu’ils soient amenés à travailler les jours fériés. En effet, seul le 1er mai sera obligatoirement chômé. Pour les autres jours, tout dépendra de ce que les syndicats auront négocié. Un accord collectif pourra, comme c’était déjà le cas avant cette réforme, définir les jours fériés chômés et ceux travaillés.
Par exemple, si le plafond est fixé à 235 jours, cela correspondrait à une année de travail durant laquelle le salarié garderait tous ses samedis et dimanche, 25 jours de congés payés (5 semaines) et le 1er mai.
8) Comment cela se passera pour les congés payés, est-il vrai que les employés pourront racheter la cinquième semaine ?
Oui si ces congés sont affectés sur un compte épargne temps (CET).
En effet, aux termes de la loi « le congé annuel ne peut être affecté au CET que pour sa durée excédant 24 jours ouvrables » (4 semaines).
9) Si oui, comment sera-t-elle rémunérée ?
Non, elle ne peut pas être rémunérée en argent.
En revanche, la loi du 20 août 2008 (article 25) dispose que « l’utilisation sous forme de complément de rémunération des droits versés sur le CET au titre du congé annuel n’est autorisé que pour ceux de ces droits correspondant à des jours excédants la durée de 30 jours fixée par l’article L.3141-3. » (5 semaines)
Ainsi, les jours acquis au titre de la 5ème semaine de congés annuels, s'ils peuvent être affectés sur un CET, ne peuvent néanmoins en aucun cas être « monétisés », ni donner lieu à un versement dans un plan d'épargne salariale, et ne correspondront donc qu’à un abondement en temps du CET.
10) A partir de quelle durée seront comptabilisées les heures supplémentaires ?
La durée légale du travail reste de 35 heures. C’est donc toujours à partir de la 36ème heure que se déclencheront les heures supplémentaires.
Pour les salariés au forfait jours les heures supplémentaires se déclencheront au-delà de la durée fixée par la convention individuelle de forfait soit au maximum 218 jours.
11) Qui la fixera ?
Pour les salariés en forfait jours cette durée est fixée par accord collectif dans la limite des 218 jours.
Pour les autres, la durée hebdomadaire de 35 heures est prévue par la loi.
12) De quelles façons seront compensées ces heures supplémentaires (majoration salariale, repos compensateur...)?
Concernant la majoration salariale la loi ne modifie pas les dispositions déjà existantes, ainsi, pour les heures supplémentaires effectuées à l’intérieur du contingent, leur majoration reste soumise à l’article L. 3121-22 du Code du travail. Ainsi les 8 premières heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de 25%, au-delà elles seront majorées de 50%.
Pour les heures effectuées au-delà du contingent, le salarié aura désormais droit à une « contrepartie obligatoire en repos », dont les caractéristiques et les conditions dans lesquelles elle peut être prise sont fixées désormais par accord collectif. Sont maintenues à cet égard les dispositions relatives à la durée du repos compensateur : la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de 100 salariés.
Le paiement des heures supplémentaires peut être remplacé, en tout ou partie, par un repos compensateur équivalent. Ce dernier pourra être décidé par accord collectif. En l’absence d’accord, le remplacement pourra être décidé par l’employeur, après accord du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.
Pour les salariés au forfait, le salarié qui souhaite, en accord avec son employeur, travailler au-delà du nombre de jours travaillés dans l’année fixé par accord collectif (218 jours maximum) et renoncer à une partie de ses jours de repos, aura droit à une majoration de son salaire.
Cette majoration sera négociée entre le salarié et l’employeur dans un avenant à la convention de forfait. Le taux de cette majoration ne peut pas être inférieur à 10%.
13) Si les heures supplémentaires sont rémunérées, quel sera leur montant ?
Les 8 premières heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de 25%, au-delà elles seront majorées de 50%.
Pour les salariés au forfait, cette majoration sera négociée entre le salarié et l’employeur dans un avenant à la convention de forfait. Le taux de cette majoration ne peut pas être inférieur à 10%.
14) Si l'employé décide de racheter ses RTT, combien seront-ils rémunérés ?
La loi « pouvoir d’achat » du 8 février 2008 permet aux entreprises de racheter les RTT d’un commun accord avec le salarié sous réserve de lui verser une majoration au moins égale à celles des premières heures supplémentaires (25%). Ces heures rachetées ne sont pas imputables sur le contingent.
Aux termes de la loi du 20 août 2008 les dispositions de la loi « pouvoir d’achat » sur le rachat des RTT sont applicables jusqu’au 31 décembre 2009.
15) Qui décidera des accords concernant cette réforme dans l'entreprise ?
Dans les entreprises les accords collectifs mettant en œuvre cette réforme seront négociés entre l’employeur et les organisations syndicales. Pour être valable un accord d’entreprise doit être signé par des syndicats ayant recueilli au moins 30% des voix aux élections professionnelles, et que les syndicats totalisant au 50% des voix ne fassent pas jouer leur droit d’opposition.
La réforme donne donc la priorité à la négociation d’entreprise et c’est ensuite, seulement à défaut d’accord que la négociation interviendra au niveau de la branche d’activité.
16) Un employé pourra-t-il refuser ces accords ?
Oui.
A plusieurs reprises la chambre sociale de la Cour
de Cassation a affirmé qu’un accord collectif ne pouvait pas modifier le contrat de travail. A cet égard, l’augmentation de la durée du travail d’un salarié constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord du salarié et ne peut pas lui être imposée.
Frédéric CHHUM / Diane BUISSON