1) Faits
Alors qu’elle est salariée de la société Jarny glaces, aux droits de laquelle vient la société Brake France Services, Mme S. est licenciée le 21 décembre 1994. Du 1er Février 1995 au 31 décembre 1997, Mme S. perçoit alors l’assurance chômage que lui verse l’ASSEDIC de Lorraine. En parallèle, une action en justice est menée par la salariée pour contester son licenciement et réintégrer l’entreprise (elle est salariée protégée).
Par un arrêt du 24 septembre 2001, la Cour d’Appel de Nancy a annulé le licenciement de Mme S. et a ordonné sa réintégration dans l’entreprise. A ce titre, l’employeur a été condamné à verser à la salariée le montant des salaires pour la période comprise entre son licenciement et la réintégration, sous déduction d’autres sommes perçues à d’autres titres pendant cette même période.
Dans le même temps et pour faire droit au recours pour tierce opposition formé par l’ASSEDIC de Lorraine, la Cour d’Appel de Nancy, a considéré que Mme S., devait rembourser les sommes perçues au titre d’allocation chômage entre le moment de son licenciement et celui de sa réintégration dans l’entreprise à l’ASSEDIC.
Pour fonder son arrêt, la Cour d’Appel de Nancy a expliqué que dès lors que le licenciement de la salariée avait été jugé nul, celle-ci ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier de l’allocation d’assurance pendant la période comprise entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration.
La chambre sociale de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 11 mars 2009, casse cet arrêt en précisant, consécutivement au cas d’espèce, que l’annulation du licenciement n’emporte pas privation rétroactive des allocations chômage.
2) Solution
La Cour de Cassation, aux visas des articles 1376 du code civil ; L.351-3, alinéa 1 du code du travail, devenu L.5422-1 ainsi que l’article 627 du code de Procédure Civile, estime que le salarié, en l’espèce Mme S., n’est pas tenu de rembourser les allocations chômage qu’elle a perçu par l’ASSEDIC pendant la période comprise entre son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise (soit deux ans dans le cas d’espèce) aux motifs que celle-ci s’est trouvée « involontairement privée d’emploi, apte au travail et à la recherche d’un emploi » .
3) Analyse
Par cette décision du 11 mars 2009, la chambre sociale de la Cour de Cassation affirme que la nullité du licenciement, prononcée après plusieurs mois, voire en l’espèce, après plusieurs années, n’a pas pour effet de priver rétroactivement un travailleur du droit à l’allocation d’assurance que l’ASSEDIC lui a versée pendant la période comprise entre son licenciement et sa réintégration, où il était « involontairement privé d’emploi, apte au travail et à la recherche d’emploi ». Cette décision est importante pour plusieurs raisons.
3.1) La distinction entre conditions de la répétition de l’indu et conséquences de la nullité du licenciement
Tout d’abord, elle pose la question de la répétition à l’ASSEDIC des sommes perçues par un salarié au titre de l’assurance chômage durant la période qui court de la notification du licenciement à la décision d’annulation par le juge. Ensuite, cette décision permet d’opérer une distinction stricte entre les conditions de la répétition de l’indu à l’ASSEDIC et les conséquences de la nullité du licenciement. En effet, si la nullité du licenciement ouvre droit au salarié réintégré dans l’entreprise au versement d’une somme par son employeur d’un montant égal aux salaires qu’il aurait normalement perçus depuis la date de licenciement, déduction faite des revenus qu’il a pu percevoir au titre d’une autre activité et du revenu de remplacement qui a pu lui être servi, (cass.soc., 3 juillet 2003), il en est tout autrement dans les rapports entre salarié et ASSEDIC. Dans ce cas, la nullité du licenciement devrait priver de cause rétroactivement le versement des allocations d’assurance chômage. Telle est d’ailleurs la décision retenue (Cass.soc., 16 mai 2000) lorsque l’employeur est condamné à verser une indemnité de préavis à son salarié alors que celui-ci avait bénéficié d’allocations couvrant la période dudit préavis.
3.2) Les incidences de l’arrêt du 11 mars 2009 : un étonnant partage de l’indemnisation du salarié
L’arrêt du 11 mars 2009 ne suit donc pas cette même logique. En effet, en affirmant que la nullité du licenciement n’a pas pour effet de priver rétroactivement un travailleur du droit à l’allocation chômage, la Haute Instance fait peser sur l’ASSEDIC une partie de l’indemnisation du salarié. Cette décision est, d’un point de vue strictement juridique, discutable d’autant que le salarié pourrait se retourner contre son employeur, tenu, rappelons le, d’indemniser l’entier préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration. Cela étant, l’application stricte du droit pourrait aussi avoir des effets pervers, consistant à faire supporter par exemple, l’indemnisation du salarié réintégré, par la seule entreprise plusieurs années après la rupture du contrat.
3.3) La persistance de l’article L.5422-1 du code du travail
En définitive, l’arrêt du 11 mars 2009 étend la garantie du salarié licencié en attente d’un jugement le réintégrant dans l’entreprise, de préserver les indemnités chômage qu’il a perçu pendant cette période. Il reste toujours possible néanmoins de demander la répétition de l’ASSEDIC à condition qu’il soit démontré que le salarié ne remplit plus les conditions pour percevoir des indemnités chômage ; conditions qui sont énoncées par l’article L.5422-1 du code du travail.
Frédéric CHHUM Avocat
Linda MAMAR-CHAOUCHE
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