1. Les faits
Dans un arrêt du 9
juillet 2009 (n°08-18794), la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a
qualifié de salaire la contrepartie de l’exploitation commerciale de l’image
d’un mannequin. Cette contrepartie prend normalement la forme d’une redevance
(ou royalties) proportionnelle. Mais en l’espèce, elle a été qualifiée de
salaire en raison de son caractère forfaitaire.
Des sommes avaient été versées
à un mannequin au titre de rémunération secondaire pour la cession de son droit
à l’image au profit de la société Chanel.
Un agent de contrôle de
l’URSSAF a considéré que ces rémunérations, déterminées ici forfaitairement, devaient
être qualifiées de salaire et donc être passibles des cotisations au régime
général. Il a donc procédé à un redressement.
La société Chanel a
saisi d’un recours la juridiction de Sécurité Sociale, soutenant que les sommes
versées ne pouvaient pas être qualifiées de salaire, quand bien même elles
auraient été versées de manière forfaitaire.
2. La règle
Aux termes de l’article
L.7123-6 du Code du Travail, « la
rémunération due au mannequin à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de
l'enregistrement de sa présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur
n'est pas considérée comme salaire dès que la présence physique du mannequin
n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération
n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de sa présentation, mais
est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement ».
Ceci signifie donc
qu’une distinction doit être opérée entre :
-
La rémunération de prestations
nécessitant la présence physique du mannequin. Elle est toujours qualifiée de
salaire, et donc soumise au régime général des cotisations sociales ;
-
La rémunération versée au mannequin en
contrepartie de l’exploitation de l’enregistrement de sa prestation. Celle-ci
n’est pas considérée comme un salaire à la double condition que la présence
physique du mannequin ne soit plus requise pour exploiter l’enregistrement
réalisé et que la rémunération ne soit pas fonction du salaire perçu mais
exclusivement du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement.
Dans ce cas, ces royalties sont uniquement soumis à CSG/CRDS..
Parfois, l’application
de cette règle n’est pas évidente, comme ce fût le cas dans l’arrêt de la
Deuxième Chambre Civile de la Cour de cassation.
3. L’arrêt
En l’espèce, le contrat
entre Chanel et Mme Carole Bouquet prévoyait la cession par celle-ci du droit
d’exploiter son image dans le monde entier, moyennant le versement d’une
rémunération forfaitaire. C’est en raison de ce versement, déterminé
forfaitairement, que l’agent de contrôle avait estimé qu’il s’agissait d’un
salaire, approuvé en ce sens par les juges du fond.
La société Chanel s’est
pourvue en cassation, arguant que le contrat conclu avec la cliente convenait
qu’une contrepartie forfaitaire serait versée en raison de l’impossibilité à quantifier
les retombées économiques des apparitions de son égérie dans les médias.
La Deuxième Chambre
civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi et interprète strictement l’article
L.7123-6 du Code du travail. Elle exige que la rémunération secondaire à verser
au mannequin soit aléatoire dans son montant et qu’elle soit déterminée en
fonction du produit réalisé de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement.
Ainsi, bien qu’en principe la contrepartie de l’exploitation commerciale de
l’image se fait sous forme de redevance, la Cour qualifie celle-ci de salaire
lorsqu’elle est revêt un caractère forfaitaire.
Dès lors, les rédacteurs de contrats de mannequins
doivent être vigilants dans la rédaction des clauses de cession de droit à
l’image. En effet, si la convention de celle-ci est forfaitaire, elle doit être
soumise à charges sociales.
Frédéric CHHUM – avocat
Marie LESIEUR – juriste
de droit social
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