Aux termes de
l’article L. 1152-1 du Code du travail « aucun salarié ne doit subir
les agissements répétés de harcèlement moral
qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte
à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de
compromettre son avenir professionnel ».
Diverses études
montrent que le harcèlement moral s’est intensifié ces dernières années.
En effet, aujourd’hui, plus de 2 millions de salariés seraient victimes de ces pratiques, sur leur lieu de travail.
Le 10 novembre 2009, dans deux arrêts distincts, la
Cour de cassation a récemment précisé le contour de la notion de harcèlement
moral.
Dans le premier arrêt, la Chambre social de la Cour de
cassation évoque (Cass.soc., 10 nov. 2009, n° 07-45.321) que les méthodes de
gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique peuvent constituer du
harcèlement moral managérial.
En l’espèce, il s’agissait d’un directeur d’établissement
qui soumettait ses salariés à une pression continuelle, des reproches incessants,
des ordres et contre–ordres dans l’intention de diviser l’équipe. En ce qui
concernait Monsieur M, le harcèlement se traduisait par sa mise à
l’écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisée
par une communication par l’intermédiaire d’un tableau. Cette méthode de
gestion a entrainé chez ce dernier un état très dépressif.
La Cour d’appel a retenu que ces agissements répétés portaient
atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altéraient sa santé, elle a
ainsi caractérisé un harcèlement moral, quand bien même l’employeur aurait pu
prendre des dispositions en vue de le faire cesser.
La Cour de cassation a confirmé l'analyse de la Cour d'appel. Elle
retient dès lors que «[…] peuvent caractériser un
harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique
dès lors qu’elle se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements
répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des
conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa
dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel […]».
Dans le second arrêt, la Chambre sociale de la Cour de
cassation énonce (Cass.soc., 10 nov. 2009, n° 08-41.497) qu’il n’y a pas à
tenir compte de l’intention de l’auteur des agissements de harcèlement moral
pour que celui-ci soit constitué.
En l’espèce, une salariée saisit la juridiction
prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire pour harcèlement moral.
La Cour d’appel retient que les agissements dont elle
se plaignait ne pouvaient être considérés comme des agissements répétés de
harcèlement moral et s’inscrivaient dans l’exercice du pouvoir de direction de
l’employeur, tant qu’il n’était pas démontré par la salariée qu’ils relevaient
d’une démarche gratuite, inutile et réfléchie destinée à l’atteindre et
permettant de présumer l’existence d’un harcèlement.
La Cour de cassation censure cette décision. Elle considère que le harcèlement moral, tel qu'il est défini par l'article L. 1152-1 du Code du travail, est constitué indépendamment de l'intention de son auteur.
Ainsi, la haute juridiction retient que «
le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son
auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet
une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux
droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son
avenir professionnel ».
Dans ces deux
arrêts la Cour de cassation vient apporter des précisions non négligeables pour
définir la notion de harcèlement moral.
Rappelons que
l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité résultat en ce qui concerne
la sécurité et la santé des salariés, il devra prendre les mesures pour
vérifier si un harcèlement (dont se prévaut un salarié)existe réellement et
dans l’affirmative le faire cesser.
Frédéric CHHUM
– Avocat
Virginie
RIBEIRO – Elève avocate