Par un
arrêt du 8 décembre 2009 (n° 08-42097), la Cour de cassation vient clarifier sa jurisprudence
en matière de conservation de fichiers à caractère pornographique par un salarié sur son poste de travail.
En effet, M.G avait été engagé
le 2 novembre 1994 en qualité de technicien d’études et méthodes/dessinateur
CAO par la société Peugeot Citroën automobiles.
Or le 12 juillet
2002, ce dernier a été licencié pour avoir conservé sur son poste informatique
des fichiers à caractère pornographique et zoophile.
M.G a donc saisi la
juridiction prud’homale le 10 mars 2006 d’une demande de paiement de
dommages-intérêts pour une rupture abusive outre un solde de prime de mobilité.
Un appel a été
interjeté. La cour d’appel de Rennes a débouté M.G en retenant l’existence
d’une faute justifiant son licenciement.
D’après celle-ci, les
fichiers contenant la présence de photos à caractère pornographique portaient
atteinte à la dignité humaine.
De plus, ces clichés,
accessibles par tout utilisateur, établissaient un détournement par le salarié
de matériel mis à sa disposition par l’entreprise en violation des notes de
service et constituaient un risque de nature à favoriser un commerce illicite
en portant atteinte à l’image de marque de l’employeur.
Dès lors, M.G a formé
un pourvoi en cassation en vue de contester la décision de la Cour d’Appel de
Rennes.
La
question posée à la cour de cassation était donc de savoir si la conservation
sur un poste informatique de 3 fichiers contenant des photos à caractère
pornographique constitue-t-elle un manquement du salarié à ses obligations
résultant de son contrat de travail susceptible de justifier son
licenciement ?
A cet égard,
contrairement à sa jurisprudence antérieure, la Haute juridiction semble plutôt
clémente vis-à-vis des salariés en ce qui concerne leur vie personnelle dans le
cadre professionnel (2)
Toutefois, cette
tolérance est strictement encadrée (1).
1)
Les conditions strictes à l’autorisation de conservation
de fichiers pornographiques
Durant
le temps de travail, le salarié est soumis à l’autorité de son employeur.
L’employeur peut exercer
un certain contrôle sur la vie personnelle du salarié au sein de l’entreprise.
L’employeur peut
notamment contrôler l’utilisation faite du téléphone, de l’ordinateur ou encore
d’internet par le salarié dans
l’entreprise.
A titre d’exemple, dans un arrêt du 29
janvier 2008 (n° 06-45.279), la Cour de cassation a admis que l'employeur
puisse se fonder sur un relevé téléphonique, faisant apparaître des appels à
des messageries de rencontres, pour licencier un employé.
En l’espèce, le salarié employé par la
société Canon avait été licencié pour utilisation abusive de son téléphone à
des fins personnelles concernant l'accès à des numéros interdits de messagerie
privée.
Toutefois, si la vie
personnelle du salarié, se trouve limitée dans l’entreprise, il n’en
demeure pas moins que
conformément à l’Article L.1121-1 du code du travail, elle subsiste et que
l’employeur ne peut y apporter de restrictions qui ne soient justifiées par la
nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché.
Ainsi,
la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’Appel de Rennes
du 11 mars 2008 au visa de l’Article L. 1121-1 du code du travail au motif que « la seule conservation sur un poste
informatique de 3 fichiers contenant des photos à caractère pornographique sans caractère délicteux ne constitue
pas, en l’absence de constatation d’un
usage abusif affectant son travail, un manquement du salarié à ses
obligations résultant de son contrat de travail susceptible de justifier son
licenciement ».
La Cour de cassation
a considéré que le licenciement était intervenu sans cause réelle et sérieuse et
a renvoyé l’affaire devant la Cour de Caen.
En définitive, la
Cour de cassation a strictement posé des limites en ce qui concerne la
conservation par un salarié de fichiers contenant des photos à caractère
pornographique sur son poste de travail.
En outre, les photos
à caractère pornographique ne semblent être autorisées qu’à deux conditions
cumulatives:
-lesdites photos ne
doivent pas avoir un caractère délicteux (ex : des photos pédophiles) ;
-il ne doit pas y
avoir d’usage abusif de ces photos affectant son travail.
Or, en l’espèce, non
seulement les photos n’avaient pas de caractère délictueux mais encore, il
n’était pas constaté que l’utilisation personnelle de l’ordinateur
professionnel nuisait à la bonne qualité de la prestation de travail de M.G.
Aussi, la Cour de
cassation a considéré que la Cour d’Appel n’avait pas légalement justifié sa
décision au regard des articles L.1232-1 et L.1331-1 du Code du travail.
En
tout état de cause, il résulte de ce qui précède que la Cour de cassation infléchit favorablement sa jurisprudence au
profit des salariés. Et cette attitude de la Haute juridiction est pour le
moins surprenante.
2)
La surprenante clémence de la Cour de cassation
Cet
arrêt du 8 décembre 2009 s’inscrit dans un mouvement de rupture avec la
jurisprudence antérieure de la Cour de cassation.
En effet, cette
dernière considérait auparavant comme fautif un salarié qui avait des fichiers
à caractère pornographique dans un ordinateur mis à sa disposition.
A titre
d’illustration, l’arrêt du 16 mai 2007 (n° 05-43.455) montre la dureté de la Cour
à ce sujet en considérant justifié le licenciement pour faute grave d’un
salarié qui avait stocké dans son ordinateur professionnel un nombre important
de fichiers à caractère pornographique.
Elle a retenu en
outre que « le stockage, la
structuration, le nombre conséquent de ces fichiers et le temps dès lors
consacré à eux par le salarié attestaient d’un méconnaissance, par lui, de son
obligation d’exécuter les fonctions lui incombant en utilisant le matériel dont
il était doté pour l’accomplissement de ses tâches ».
Elle a pu en déduire
que « ce comportement empêchait son
maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis et constituaient une
faute grave… »
Ainsi, à présent, la
Haute juridiction semble changer de cap et autoriser à certaines conditions la
possibilité, pour un salarié, de stocker des fichiers contenant des photos à
caractère pornographique sur son poste de travail.
Dès lors, il semble
que la vie personnelle du salarié dans le cadre professionnel gagne du terrain.
Celle-ci est davantage protégée.
Par conséquent, l’employeur devra être prudent s’il envisage de licencier un salarié qui stocke des clichés pornographiques dans des fichiers de son poste de travail.
Frédéric CHHUM, Avocat
www.chhum-avocats.com