Dans un jugement
du 29 juin 2010, le Tribunal de Commerce de Paris (1ère Chambre
– n° RG : 2008051830) a considéré que, l’article L 341-4 du Code
de la consommation « est applicable à toute personne physique et à toute
opération de crédit, y compris à
titre professionnel ».
1. Les faits
Une Société, dans le cadre de son activité d’exploitation d’un fonds de
commerce de bar, brasserie, restaurant, a souscrit auprès d’une banque, le 27
avril 2007, un prêt de 150.305€ euros sur 7 ans, destiné à financer les travaux
de rénovation de l’établissement.
Ce prêt a été consenti avec les garanties, notamment, de la caution
solidaire de deux des associés de la Société, le gérant à hauteur de 60% du
capital social, et une salariée, responsable de l’établissement, à hauteur de
5% du capital social.
La Société a rencontré des difficultés financières, et a été placée en
liquidation judiciaire le 6 avril 2008.
La banque créancière a mandaté, le 18 janvier 2008, une société pour le
recouvrement des sommes dues dans le cadre du prêt consenti.
Cette dernière déclarait la créance pour un montant de 148.828,28 euros,
et, parallèlement, écrivait aux deux associés cautions pour leur rappeler leur
engagement et leur réclamer la somme précitée.
En l’absence de règlement, la banque a saisi le Tribunal de Commerce de
Paris pour activer les cautions, qui a rendu son jugement le 29 juin 2010.
2. L’application par le Tribunal de Commerce de Paris de l’article L 341-4 du Code de la consommation au cas de l’espèce
Dans son arrêt du 29 juin 2010, le Tribunal de Commerce de Paris fait une
application stricte de l’article L 341-4 du Code de la consommation.
L’article L 341-4 du Code de la consommation dispose que « un créancier professionnel ne peut se
prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont
l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses
biens et ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où
celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
En effet, celui-ci déclare que cet article « est applicable à toute personne physique et à toute opération de
crédit, y compris à titre professionnel ».
« Qu’il ressort de l’analyse des
pièces produites, que lors de la conclusion du contrat de prêt comme de
cautionnement, en avril 2007, le revenu annuel moyen sur les années 2004 à 2007
de [la salariée caution] était de l’ordre de 8 à10.000€ ;
Que le
montant cautionné est alors de 172.850€, représentant plus de 19 années de revenus
de [la salariée caution] ;
Que le
caractère disproportionné de l’engagement de [la salariée caution] est
indiscutable ;
Que le
patrimoine de [la salariée caution] ne lui permet pas de faire face au montant
appelé ».
Le Tribunal de Commerce de Paris a donc considéré que la banque, et plus
généralement, les créanciers professionnels,
ne pouvait se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une
personne physique, et ce, même à
titre professionnel, dont l’engagement était, lors de sa conclusion,
manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus.
L’intéressée était au chômage à l’époque, et le montant de la caution
représentait 19 années de revenus annuels.
Une solution qu’il faut saluer, et qui risque d’inciter les créanciers à devenir encore plus méfiants quant à l’accord de leurs prêts…
Frédéric CHHUM, Avocat à la Cour
Camille COLOMBO, Juriste en Droit social
chhum@chhum-avocats.com