La négociation, par un salarié, de son départ de l'entreprise est un sport national. Dernièrement, Thomas Dutronc chantait brillement « j'ai fait dorer mon parachute, j'ai adoré vous jouer de la flûte... » (Nasdaq, 2007).
Chaque partie (l'entreprise/le salarié) au contrat doit pouvoir défendre ses intérêts et en sortir gagnant ; il n'existe pas de règles particulières, ni sur la forme, ni sur le fond.
Pourtant, dans son rapport de septembre 2010 (publié le 8 septembre 2010), la Cour des Comptes préconise un rabotage de la niche sociale et fiscale applicable aux indemnités de licenciement :
« Pour les indemnités de départ en retraite ou de licenciement, l'usage (consacré par la jurisprudence), conduit à ne pas les soumettre à taxation sociale, ou seulement à partir de niveaux très élevés. Cet usage paraît en réalité peu fondé. La détermination par la loi de cette franchise au niveau des indemnités légales contribuerait pour un montant significatif (près de 3 milliards d'euros) à l'amélioration des recettes sociales » (Rapport de la Cour des comptes p.102).
1) Rupture amiable ou transaction : deux types de rupture négociée qui n'ont pas le même objet
Il existe de modes de rupture négociée : la rupture conventionnelle et la transaction.
La rupture négociée appelée également « rupture amiable ou d'un commun accord » permet à l'employeur et au salarié de mettre fin d'un commun accord au contrat de travail. Il s'agit d'un mode autonome de rupture du contrat de travail.
Chacune des parties y trouve son avantage. Par exemple, l'employeur est dispensé des obligations (délais, procédures, préavis...) inhérentes au licenciement, le salarié quant à lui voit des avantages par rapport à une procédure de démission, percevra des indemnités à l'occasion de l'accord.
a) La transaction
La transaction a pour objet de « terminer une contestation née » ou prévenir « une contestation à naître » résultant de la rupture (art. 2044 du Code Civil).
Il en résulte que la transaction succède à la rupture déjà intervenue, dont elle règle, le cas échéant, les difficultés d'exécution par des concessions mutuelles.
La transaction prive le salarié de faire valoir les droits liés à l'exécution de son contrat de travail.
En effet, en cas de transaction, la contestation est très limitée. Une fois signée, elle ne peut pas être remise en cause, sauf si ses conditions de validité n'ont pas été respectées, ou si le consentement du salarié a été vicié.
Cependant, la transaction nécessite des concessions réciproques, contrairement à la rupture conventionnelle.
De plus, la transaction, contrairement à la rupture conventionnelle, a l'autorité de la chose jugée, ce qui n'est pas négligeable.
b) La rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle, consacrée par l'Accord national interprofessionnel (ANI) sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008, a pour objet de mettre un terme au contrat de travail.
Il s'agit d'un mode autonome de rupture du contrat de travail.
A contrario, la rupture conventionnelle laisse ouvert un contentieux relatif aux heures supplémentaires, à la rémunération, à la discrimination, au harcèlement...
2) Des règles très favorables de défiscalisation (transaction ou rupture conventionnelle) : exonération jusqu'à 207.720 euros à certaines conditions
En effet, ne constitue pas une rémunération imposable : La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du Code du travail, qui n'excède pas :
- soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail ;
- soit 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur ;
(Ces deux montants sont à calculer dans la limite de six fois le plafond annuel de la Sécurité Sociale ; soit pour l'année 2010 : 207.720 euros).
- soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.
De manière générale, sont exonérées de la CRDS et CSG, toutes indemnités dans la limite du montant de l'indemnité de licenciement (ou de mise à la retraite) prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel ou par la loi.
3) Des limites pour les parachutes dorés de plus d'un million d'euros (ce qui est bien évidemment exceptionnel)
Les indemnités d'un montant supérieur à 30 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit 1.038.600 euros en 2010) sont désormais assujetties, dès le premier euro, à cotisations sociales et à CSG et CRDS.
La circulaire ACOSS n°2009-021 du 11 février 2009 précise que, pour apprécier si le montant des 1.038.600 euros est atteint, il est fait masse des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et à la cessation forcée des fonctions de mandataire social, versées dans la même entreprise ou dans les sociétés d'un même groupe.
En conclusion, force est de constater que la négociation de départ de l'entreprise a encore de beaux jours devant elle, tant que les avantages fiscaux subsisteront.
La chanson « Nasdaq » de Thomas Dutronc est donc toujours d'actualité.
Si le législateur suit la recommandation de septembre 2010 de la Cour des Comptes, la niche sociale et fiscale ne devrait pas durer.Néanmoins, il n'est pas sûr que le Gouvernement suive les recommandations des sages de la Haute Cour.
Le plafond maximal de 207.720 euros applicable en 2010 sera réduit à 106.020 euros pour 2011 (PLFSS2011), soit trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale (35.340 euros en 2011).
Frédéric CHHUM
Avocat à la Cour
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