Maître Frédéric CHHUM était l'avocat du salarié dans cette affaire.
Les sociétés de production peuvent elles encore employer des salariés, intermittents du spectacle sous contrats à durée déterminée d'usage (CDDU) à temps partiel ?
C'est la question que l'on peut se poser à la suite du jugement du Conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt du 6 décembre 2011 (Section Activités diverses, RG 11/00544).
La réponse est affirmative mais c'est risqué et cela peut coûter cher à l'entreprise.
En l'espèce, un salarié, intermittent du spectacle, avait été engagé, dans le cadre de CDD d'usage à temps partiel, initialement, par d'Home Production, à compter du 16 janvier 2007 pour l'émission D&Co puis Fremantlemedia France en qualité d'assistant décorateur.
L'émission D&Co est diffusée sur M6 depuis 5 ans et est présentée par Valérie Damidot.
Le salarié avait ensuite été évincé le 2 février 2010, la société Fremantlemedia ne faisant plus appel à lui bien que l'émission continuait à être produite par la société de production et diffusée par M6.
L'intéressé avait notamment été évincé car il demandait le paiement de ses heures supplémentaires.
Le salarié a saisi le Conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt notamment, en licenciement abusif et requalification de ces contrats à durée déterminée d'usage à temps partiel en CDI à temps plein.
Le Conseil de prud'hommes a condamné les 2 employeurs à payer au salarié environ 68.000 euros (43.000 euros bruts de rappel de salaire et congés payés et 25.000 euros pour le licenciement abusif et ses conséquences), soit plus de trois ans de salaires, le jugement étant exécutoire dans sa totalité.
En l'occurrence, le Conseil de prud'hommes a suivi l'argumentation du salarié qui plaidait que ses CDDU à temps partiel ne respectaient pas les prescriptions légales.
A cet égard, il faut rappeler qu'aux termes de l'article L. 3123-14 du Code du travail :
- Si le cadre hebdomadaire est retenu, le contrat à temps partiel doit comporter la mention du temps de travail hebdomadaire et de la répartition des heures de travail entre les jours de la semaine ;
- Si le cadre mensuel est retenu, le contrat à temps partiel doit comporter la mention du temps de travail mensuel et de la répartition des heures de travail entre les semaines.
Ceci a pour objet de permettre notamment, en pratique, au salarié d'occuper un autre emploi.
Rien de tout cela dans les contrats conclus par l'intéressé : la mention de CDD à temps partiel ne figurait jamais ; pas plus que la répartition des heures de travail.
L'employeur ne pouvait renverser la présomption de contrat de travail à temps plein qu'en faisant la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et établir que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail et qu'il n'a pas à se tenir constamment à sa disposition.
Le salarié plaidait qu'il avait toujours été affecté à des tâches permanentes au sein de D'HOME PRODUCTIONS et FREMANTLEMEDIA, et il devait se tenir toujours à la disposition de l'employeur, sa durée du travail variant d'un mois sur l'autre.
Le Conseil de prud'hommes l'a suivi et a requalifié les CDD à temps partiel en CDI à temps plein.
En outre, les CDD à temps partiel étant requalifiés en CDI à temps plein et aucune procédure de licenciement n'ayant été respectée, la rupture a été requalifiée en licenciement abusif.
Ce jugement du 6 décembre 2011 du Conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt se situe notamment dans la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris du 18 novembre 2010 (09/01652, M. X c/ France Télévisions).
En conclusion, le non- respect des règles sur les CDD d'usage et sur les CDD à temps partiel peut couter très cher à l'entreprise (et rapporter « gros » au salarié) ; c'est le prix à payer de l'ultra précarisation du travail.
Frédéric CHHUM
Avocat à la Cour
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