Dans un arrêt ultra ciselé du 26 septembre 2012 (n°11-14540), la Cour de cassation considère qu'est de nul effet le forfait jours qui ne permet pas au salarié de bénéficier d'un suivi régulier de sa charge de travail.
Le salarié pourra obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées, sous réserve de les prouver.
1) Les faits : un salarié qui travaille de 7h15 à 20h + les week ends
Un Directeur Comptable a fait valoir ses droits à la retraite. Son activité relevait de la convention collective nationale de commerces de gros.
Il était soumis à une convention de forfait en jours.
Le salarié « travaillait beaucoup » et qu'il « était présent dans l'entreprise entre 7 heures 15 et 20 heures » ainsi que certains week-ends et jours fériés.
Il contestait la validité de son forfait jours et demandait à la société une indemnité pour non respect de son forfait jours.
2) Le forfait jours privé d'effet car les conventions qui l'encadrent, ne permettent pas d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié
2.1) La Cour de cassation se fonde sur des textes européens
La Cour de cassation a fait droit à la demande du salarié au visa du « droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles »,
Elle s'est fondée notamment sur :
- l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ;
- la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
- l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
2.2) Le forfait jours est de nul effet car il ne permettait d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salariéEn l'occurrence, la Cour de cassation relève qu'au regard des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
La Cour de cassation considère que « toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ».
La Cour d'appel avait relevé que « ceci résultait moins d'une surcharge de travail à laquelle il devait faire face en raison d'un sous-effectif imputable à l'employeur que d'une dépendance, voire d'une impossibilité de l'intéressé à faire la coupure avec son travail, lequel lui tenait particulièrement à coeur ». La Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel.
Les dispositions de la convention collective commerce de gros prévoyaient, s'agissant de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique ; par ailleurs, l'accord collectif de travail, s'agissant de l'amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, ne prévoyait qu'un examen trimestriel par la direction des informations communiquées sur ces points par la hiérarchie.
La Cour relève que ni les dispositions de la convention collective du commerce de gros, ni l'accord collectif d'entreprise ne garantissaient que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et, donc, permettait d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
Le forfait jours est donc privé d'effet et le salarié peut obtenir le rappel de ses heures supplémentaires.
Cette décision va, une fois de plus, inciter les salariés à contester leur forfait jours et demander le paiement de leurs heures supplémentaires.
Frédéric CHHUM
Avocat à la Cour
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