Le forfait-jours a douze ans ; il a été institué par la loi n°2000-37 du 19 janvier 2000. C'était une révolution dans la comptabilisation du temps de travail des salariés et des cadres.
Le forfait-jours permet à l'entreprise de comptabiliser la durée du travail d'un salarié non en heures mais en jours, l'intéressé ne pouvant toutefois pas travailler plus de 218 jours par an.
Les salariés sous forfait-jours ne sont pas soumis à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures ; ni à la durée quotidienne maximale de travail de 10 heures ; ni même à la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures.
Mais le forfait-jours est soumis à des contraintes légales et surtout jurisprudentielles de plus en plus lourdes. Faute pour l'employeur de les respecter, la convention de forfait-jours est nulle et de nul effet, et les salariés sous forfait-jours pourront alors demander le paiement des heures supplémentaires, travaillées au-delà de 35 heures hebdomadaires.
Nous proposons de vérifier en 6 points si vous pouvez valablement (ou non) être employé sous forfait-jours.
1) Conseil n°1 - Vous devez être un "cadre autonome"
Peuvent être employés sous forfait-jours les cadres, qui n'entrent, ni dans la catégorie des cadres dirigeants, ni dans celle des cadres astreints à l'horaire collectif de travail, ainsi que les salariés non cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur temps de travail (article L 3121-43 du Code du travail).
Le forfait-jours concerne donc à la fois :
- les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, et dont la nature des fonctions de les conduit pas à suivre l'horaire collectif de travail ;
- les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée, ou qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
2) Conseil n°2 - Vous devez avoir conclu une convention individuelle écrite de forfait-jours avec votre employeur
Le cadre sous forfait-jours doit avoir conclu, par écrit, avec son employeur, une convention de forfait-jours.
A défaut, celui-ci n'est pas valable et le salarié pourra demander le paiement des heures supplémentaires.
De plus, dans un arrêt du 28 février 2012 (n°10-27839), la Cour de cassation a jugé que l'employeur qui soumet un cadre au forfait-jours sans avoir conclu une convention individuelle de forfait-jours, doit être condamné à verser l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire prévue en cas de travail dissimulé (article L 8223-1 du Code du travail).
3) Conseil n°3 - Un accord collectif doit autoriser votre forfait-jours
En effet, le forfait-jours n'est applicable et valable que si :
- Un accord collectif de branche étendu et/ou un accord collectif d'entreprise en permet la mise en oeuvre (le contrat de travail ne peut pas à lui seul suppléer l'absence d'accord d'entreprise ou de branche) ;
- Cet accord doit garantir le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.
4) Conseil n° 4 -Chaque année vous devez avoir un entretien individuel avec votre employeur, sur votre charge de travail
En effet, l'article L. 3121-46 du Code du travail prévoit que l'employeur doit tenir un entretien individuel annuel portant sur la charge de travail du salarié ; l'organisation du travail dans l'entreprise ; l'articulation entre activités professionnelle et vie personnelle et familiale ; la rémunération du salarié.
A défaut d'entretien individuel, le forfait-jours est privé d'effet (Cass. Soc. 29 juin 2011).
5) Conseil n°5 - L'accord collectif autorisant votre forfait-jours doit comporter des garanties suffisantes pour le droit à la santé et au repos
En effet, en se fondant sur le droit à la santé et aux repos des travailleurs, figurant parmi les « exigences constitutionnelles », la Cour de cassation contrôle la validité des conventions collectives encadrant les forfaits-jours.
A titre d'exemples, la Cour de cassation a validé, dans l'arrêt du 29 juin 2011 (n° 09-71.107), le contenu de l'accord de branche de la métallurgie du 28 juillet 1998.
En effet, l'accord collectif de la métallurgie est très précis quant au contrôle et au suivi de la charge de temps de travail des salariés.
En revanche, l'accord de branche de la chimie a été jugé, dans l'arrêt du 31 janvier 2012 (n° 10-19.807), insuffisamment protecteur de la santé et de la sécurité des salariés soumis au forfait en jours.
En effet, l'accord-cadre dans l'industrie chimique est jugé elliptique. Dans son article 12, l'accord prévoit que la convention de forfait-jours fait simplement l'objet d'un écrit, mentionne le nombre de jours travaillés à effectuer et comporte « des modalités de mise en oeuvre et de contrôle » sans préciser lesquelles.
Par conséquent, à l'instar de la convention de branche de la métallurgie, les accords collectifs encadrant une convention de forfait-jours doivent prévoir des dispositions telles que :
- l'établissement par l'employeur d'un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos ;
- un suivi régulier de l'organisation du travail et de la charge du salarié par le supérieur hiérarchique ;
- un entretien annuel avec le manager ;
-la garantie d'une amplitude de travail devant rester raisonnable et d'une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.
A défaut de répondre aux prescriptions ci-dessus, votre forfait-jours est nul. Vous pouvez donc réclamer le paiement des éventuelles heures supplémentaires travaillées, dans la limite de la prescription de 5 ans.
Bien évidemment, il vous faudra prouver ces heures supplémentaires (agenda, email, système de badge,etc.).
A bon entendeur.
Frédéric CHHUM
Avocat à la Cour
Lisa CHEZE-DARTENCET, juriste en droit social
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