1)
Sur
l’octroi de l’indemnité de rupture d’un contrat d’agent commercial
En vertu de l’article L.134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
De plus, il résulte de l’article L.134-13 du Code de commerce que la réparation prévue à l’article L. 134-12 du code de commerce n’est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent … ;
3° Selon un accord avec le mandat, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence.
2)
Sur
le montant de l’indemnité de rupture
Le montant de l’indemnité prévue par les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce est évalué souverainement par les tribunaux (b). Toutefois, l’usage est de retenir 2 années de commissions (a).
a.
L’évaluation
de l’indemnité de rupture à 2 années de commissions
Il est d’usage de retenir 2 années de commissions en cas de préjudice subi du fait de la rupture d’un contrat d’agent commercial.
A cet égard, l’article L. 134-5 du Code de commerce précise qu’une commission est « tout élément de rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires ».
A titre d’exemple, dans un arrêt
de la Cour d’Appel de Caen du 10 septembre 1998 (RG : 9604212), il a été
admis que « l’indemnité, que
la société Bouvet doit être condamnée à payer, doit être fixée, conformément
aux usages unanimement admis, à deux années de commissions ».
De même, par jugement du Tribunal
de commerce de Paris du 23 janvier 1996 (Juris-Data n°040979), il a été décidé
que « le mandataire révoqué a droit
à une indemnité compensatrice conformément à l’article 12 de la loi [du 25 juin
1991], celle-ci étant basée, selon l’usage, sur deux années de commissions
brutes ».
Néanmoins, toute clause contractuelle tendant à prévoir un mode particulier d’évaluation est réputée non écrite (notamment Cass.com., 17 juin 2003, Bull.civ.IV, n°99, p.110, RJDA 12/03, n°1170 : rejet de la clause prévoyant que 0,55% du chiffre d’affaires serait versé à l’agent en cours d’exécution du contrat à titre d’indemnité de clientèle en contrepartie de la renonciation de ce dernier à réclamer une indemnité de clientèle en cas de rupture ou cessation du contrat).
Par ailleurs, la question s’est posée de savoir, lorsque l’agent perçoit une rémunération fixe complétée par des commissions, si le juge devait tenir compte des commissions mais également de la rémunération fixe.
La chambre commerciale de la Cour
de cassation dans un arrêt du 26 mars 2008 a répondu par l’affirmative en considérant que « l’indemnité doit être calculée sur la
totalité des rémunérations acquises lors de l’activité développée dans
l’intérêt commun des parties, sans qu’il y ait lieu de diligenter selon leur
nature » (Cass.com., 26 mars 2008, n°07-10286).
b. L’indemnité de rupture appréciée
souverainement par les juges du fond
Dans un arrêt du 4 mars 2010 (RG n°2009009747), le Tribunal de commerce de Paris a dû apprécier le montant du préjudice causé à Monsieur X et consécutif à la rupture de son contrat d’agent commercial par la Société Y.
En effet, le 1er septembre 2006, Monsieur X avait conclu avec la Société Y, société de promotion commerciale, un contrat d’agent commercial à durée indéterminée.
Ce contrat prévoyait notamment une rémunération composée d’un fixe de 2.500 euros HT et d’une commission de 1 euros HT du mètre carré hors œuvre net pour les opérations de promotion de logements neufs et 2 euros HT pour les opérations de rénovation.
De plus, à l’article 8 de ce contrat, il était prévu qu’en cas de cessation de ses relations avec le Mandant, l’Agent ait droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Cette indemnité sera calculée selon les usages de la profession d’agent commercial.
Or, deux ans plus tard suivant la signature de son contrat, Monsieur X a été convoqué à un entretien, par la société Y, ayant pour objet la rupture de son contrat d’agent commercial. Puis, cette rupture a été notifiée par courrier en le dispensant de ses 2 mois de préavis.
Dès lors, Monsieur X a mis en demeure la Société Y afin d’obtenir le paiement de son indemnité de fin de contrat par la Société Y, puis n’obtenant pas satisfaction, il a saisi le Tribunal de commerce.
La question posée au Tribunal de Commerce de Paris était donc de savoir si Monsieur X pouvait obtenir le paiement de son indemnité de rupture correspondant à deux années de commissions.
Le Tribunal de commerce de Paris
a répondu de façon nuancé en estimant que «
le préjudice causé à Monsieur X et consécutif à la rupture de son contrat
d’agent commercial par la Société Y sera réparé par le versement d’une somme
égale à un an de revenus, soit une
sommer de 30.000 euros que le tribunal condamnera la Société Y à verser à
Monsieur X avec intérêts au taux légal à
compter de la date de mise à disposition
de la présente décision ».
En outre, le Tribunal a reconnu le principe de l’indemnité. Toutefois, comme Monsieur X n’a perçu aucune commission au cours de son mandat et que ce dernier ne produisait aucune pièce qui permettait au Tribunal d’apprécier le montant d’éventuels revenus futurs, les juges du fond ont considéré, en ces circonstances, que la réparation du préjudice s’évaluait à un an de revenus, soit 30.000 euros et non à 2 ans de revenus, soit 60.000 euros.
En tout état de cause, bien qu’en principe, il soit souvent retenu une indemnité de 2 ans de revenus à titre de réparation, le Tribunal a, dans cette espèce, usé de son pouvoir d’appréciation pour fixer à seulement à un an de salaires le préjudice subi par l’agent.
Cependant, force est de constater que ce jugement se révèle tout de même favorable aux agents commerciaux.
En effet, malgré une courte ancienneté (en l’espèce 2 ans) dans la Société, ces derniers semblent pouvoir bénéficier d’une indemnité de rupture égale au moins à un an.
Frédéric CHHUM - Avocat à la Cour
www.chhum-avocats.com
A.H, Juriste en droit social